De l’uisge beatha au whisky
Par: CATHERINE FERLAND, PH.D., HISTORIENNE
Le whisky est un spiritueux confectionné à partir de grain malté, fermenté et distillé. Très appréciée pour ses arômes caractéristiques, cette boisson a une aura de sophistication qui plaît aux amateurs d’ambiances lounge ! Mais saviez-vous que cette eau-de-vie a une histoire étonnante, depuis les premiers alambics jusqu’à Al Capone ?
Il faut remonter quelques siècles en arrière pour revenir aux sources du whisky. Nous sommes au 16 e siècle. L’alambic, qui existe alors depuis la fin du Moyen Âge mais était surtout utilisé en médecine, a été perfectionné : cela permet enfin de distiller des boissons destinées au commerce.
Diverses expérimentations ont lieu un peu partout en Europe. Puisque tout liquide fermenté est susceptible d’être distillé, l’eau-de-vie est la boisson dont il existe le plus de déclinaisons différentes : on la fabrique avec les ingrédients disponibles ! Sans grande surprise, les pays viticoles produisent de l’eau-de-vie de vin, tandis que les pays plus au nord développent une expertise en eaux-de-vie de grain… dont le whisky. Son nom vient du gaélique uisge beatha (littéralement « eau de vie ») en usage dans les îles britanniques.
La coexistence des brasseries et des distilleries se retrouve aussi dans le Nouveau Monde. Par exemple, les brasseurs de la Nouvelle Amsterdam (Manhattan, future New York), procèdent à la distillation des lies et des résidus de brasserie dès 1640, si bien que quelques années plus tard, trois des cinq brasseries de cette ville produisent du whisky.
Il faut attendre le Régime anglais pour voir des distilleries s’installer dans la vallée du Saint-Laurent. Le goût pour cette boisson se développe rapidement, ainsi qu’un réseau commercial, comme le démontrent les petites annonces qui évoquent « l’usqueba ». En 1792, l’imposante Beauport Distillery se compare avantageusement aux installations qu’on peut retrouver par exemple en Angleterre ou en Hollande, tant par sa superficie qu’au plan technologique, puisqu’on y introduit très tôt la machine à vapeur, récemment inventée. Le malt, élément de base du whisky, est fabriqué sur place au lieu d’être importé. D’autres joueurs, dont la Distillerie Henderson, aussi à Beauport, ainsi que la Brasserie Molson se joignent au marché.
Au milieu du 19e siècle, les spiritueux canadiens sont en demande croissante aux États-Unis, à tel point qu’au tournant du 20e siècle, le Canadian Club Whisky (créé à Windsor en 1884) est le meilleur whisky d’exportation du Canada ! À ces alcools de qualité s’ajoutent aussi des boissons illégales… En effet, chez nos voisins américains, la Loi Volstead (1920-1933) interdit la circulation de l’alcool, faisant naître une lucrative contrebande. Certains Québécois s’en font une spécialité : les « bootleggers » font passer illégalement des centaines, voire des milliers de litres de whisky blanc de qualité douteuse pour abreuver les speakeasies et autres bars clandestins de New York et de Chicago. Cette histoire pour le moins « alambiquée » se termine bien : de nos jours, la production de whisky répond à des normes de qualité qui assurent une très belle expérience de dégustation !
Date: 2 février 2022