Limoilou, un site riche d’histoire

Limoilou, un site riche d’histoire

Par: Catherine Ferland, PH.D., Historienne

Le lieu choisi par la Distillerie Stadaconé est riche d’histoire. La partie sud de Limoilou est en effet un secteur qui a connu une occupation importante, tout particulièrement à partir du 19e siècle.

 

Rivière Saint-Charles

Les nombreux méandres de la rivière nommée Kabir-Kouba par les Amérindiens (« rivière aux milles détours ») sont propices à la pêche et aux campements saisonniers. Lorsqu’il y accoste le 14 septembre 1535, Jacques Cartier la baptise rivière Sainte-Croix. Au début du 17e siècle, les Récollets lui donnent le nom de rivière Saint-Charles. Ses rives ne sont cependant pas encore exploitées ou habitées, tant par les Amérindiens que par les colons d’origine française.

 

Parc Cartier-Brébeuf

C’est en 1626 que la seigneurie de Notre-Dame-des-Anges (où se trouve l’actuel parc Cartier-Brébeuf) est concédée aux Jésuites, mais ces derniers ne s’en occupent pas. Voyant que les Jésuites n’ont pas fait beaucoup d’efforts pour la mettre en valeur, l’intendant Jean Talon, qui arrive au Canada en 1665, leur reprend la seigneurie dans le but d’y installer des colons.

 

Fermes et artisans

Il faut dire que la bande de terre qui touche directement à la rivière est très marécageuse et n’attire pas beaucoup les colons! Ceux-ci préfèrent s’installer ailleurs, par exemple près de la falaise de Québec ou plus au nord, dans les hauteurs de Charlesbourg et de Beauport. Mais à mesure que la population augmente, les terres trouvent preneurs. En plus des fermes, des échoppes d’artisans s’installent à proximité de la rivière, surtout ceux dont les métiers nécessitent beaucoup d’eau, comme la poterie et la tannerie. Pour l’essentiel, ce qui correspond aujourd’hui à Limoilou demeure toutefois une campagne, avec des champs à perte de vue, jusqu’en 1850-1875.

 

Villages de travailleurs

Le commerce du bois et surtout la construction navale se développent au nord de la rivière Saint-Charles et entraînent la fondation de villages. Alors que ce secteur est encore en friche, William Hedley Anderson, prospère commerçant de bois, divise sa terre en lots pour y attirer des travailleurs. En quelques années, une petite agglomération se forme et prend le nom d’Hedleyville. Son artère principale, la rue Anderson, est la 3e Rue actuelle! Trois autres villages de travailleurs naissent à la même époque : Parkeville, New Waterford et Smithville (Stadacona). Le secteur s’urbanise rapidement dans les années suivantes.

Les battures de la rivière Saint-Charles sont occupées par des chantiers maritimes et des commerces de bois équarri. Or, le déclin du commerce du bois et de l’industrie navale à la fin du 19e siècle crée une sorte de crise économique à Québec. La construction ou réparation des ponts sur la Saint-Charles, dont le pont Bickell en 1867, ainsi que l’arrivée du chemin de fer en 1890, vont contribuer à relancer le secteur. Les habitants sont alors pour la plupart des gens modestes, des ouvriers et des journaliers.

 

Naissance de Limoilou

C’est en fusionnant les quatre villages de travailleurs que l’on crée la municipalité de Limoilou en 1893. Ce toponyme est choisi parce qu’il s’agit du nom que portait le domaine de Jacques Cartier en France. Puisque le territoire est encore partiellement inoccupé, on en profite pour planifier la construction de la ville : en s’inspirant du modèle quadrillé tel qu’on le voit à Montréal et à New York, il est décidé de créer des rues (est-ouest) et des avenues (nord-sud) où s’alignent bientôt des immeubles résidentiels de trois ou quatre étages, souvent en brique. Dès 1909, Limoilou fusionne avec Québec et son développement urbain s’accélère : des promoteurs lancent une campagne publicitaire afin d’inciter les habitants de Saint-Jean-Baptiste à déménager à Limoilou… pour y profiter des grands espaces! 

De nouvelles entreprises et industries s’y installent, notamment l’Anglo Canadian Pulp & Paper (aujourd’hui White Birch Division Stadacona) en 1927, connue ensuite sous le nom de Papiers Stadacona. Cette papetière, qui produit environ 375 tonnes de papier quotidiennement, emploie 500 personnes. En tant que premier employeur de Limoilou, elle permet aux familles du quartier de passer à travers la crise.

 

Peuplement

Après la Deuxième Guerre mondiale, le secteur connaît un ralentissement. En effet, avec le baby boom, de nombreuses jeunes familles partent pour s’installer dans les banlieues. La création du Cégep de Limoilou à la fin des années 1960 va permettre de ramener des jeunes dans le quartier. Le peuplement du quartier et l’occupation intensive des rives de la rivière Saint-Charles à des fins industrielles ont cependant un effet négatif. La rivière sert en effet de dépotoir et d’égout à ciel ouvert… À la fin les années 1960, les autorités municipales ont une curieuse idée : celle de bétonner les berges de la Saint-Charles dans le but d’assainir le cours d’eau! Or, cette «solution» n’a pas l’effet escompté. La Ville décide finalement de renaturaliser les berges en 1996, puis de les intégrer au parc linéaire de la rivière Saint-Charles, créé en 2008.

 

Aujourd’hui, Limoilou est en pleine croissance, sa population a beaucoup rajeuni et de nouvelles entreprises s’y installent avec enthousiasme… incluant la Distillerie Stadaconé!

Date: 16 février 2021

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